Shibari – Kinbaku Découverte et rencontre

Cet article sur le shibari est fait en deux parties. Tout d’abord le récit de l’encordée puis le récit de l’encordeur. Deux visions d’une rencontre qui s’est étalée sur plusieurs mois.

Elle – l’encordée

J’étais (et je suis toujours) intéressée par les traces sur le corps et, de réseaux sociaux en réseaux sociaux, je trouvais que celles laissées par cordes étaient belles. Mon expérience bdsm se résumait à une séance très chaude avec une femme seule.

Initiation

Notre première démarche a été de demander à Maxime Sensalpes (photographe ayant de multiples capacités!). Ayant quelques notions de shibari, il nous a dit pouvoir faire deux ou trois trucs, dont un Karada, pour laisser des traces et faire quelques photos.
J’ai trouvé que la sensation d’être un peu serrée et contrainte était bien agréable.

Le temps passe…

Une rencontre

Y. me suggère d’essayer avec Kael-kinbaku (« celui qui fait des cordes »), qu’on a observé longtemps au Jardin de Bao. Nous avons pas tout de suite compris son fonctionnement. Etait-il seul ? Accompagné ? Avec une soumise uniquement ?

Nous avions échangé quelques mots dont je ne me souviens absolument pas les propositions (ou alors je ne les ai pas interprétées comme telles).
Y. me dit que ça va me plaire, et on continue de l’observer dans ses pratiques, de voir s’il prend soin des femmes, comment il agit.

Et puis, un jour, curieuse, je dis ok, on va lui demander.

Mais le temps passe encore car on attendait qu’il soit dispo et il était souvent au milieu d’un groupe, avec des amis, occupé, en train de corder…

Enfin, il est seul (il s’est écoulé 1 an ?), on l’aborde pour discuter. C’est Y. qui commence à parler, je suis hyper sur la défensive et je ne le regarde pas ou à peine, pas vraiment convaincue que ça va me plaire, gênée et mal à l’aise. Je fais un gros effort pour avoir l’air aimable et intéressée alors que j’ai juste envie de rentrer dans ma coquille.
La discussion se passe bien, il est à l’écoute, prévenant, informe des risques, quoi faire, comment dire, que dire, comme ça se passe. Par exemple il explique qu’il ne suspend pas la 1ere fois ou peut-être même jamais (ce qui me soulage en fait). Je ne dis pas que je n’ai pas envie car je ne sais pas trop quoi penser du tout.
je me détends. Il est gentil, il a de l’humour et il est autoritaire en même temps (j’aime bien ça).

Plus aucune notion du temps

Tout est clair. On descend dans la grande pièce du Bao, foulard sur les yeux pour ne pas être distraite.
Kael-kinbaku commence et …. c’est merveilleux. Sensations inconnues et incroyables, extrêmement puissantes.
Je ne me souviens plus exactement ce qui s’est passé sauf que Kael-kinbaku m’a suspendue. En fait j’en ai eu envie dès que les cordes ont commencé à serrer.

Aucune notion du temps. La séance finie, je reste allongée extrêmement longtemps et complètement immobile à en inquiéter Y. et ceux qui sont là. Je suis restée complètement hors du temps pendant un long moment.

Il y aura deux autres séances tout aussi intenses dans la salle du bas (on peut suspendre assez haut).
Après chaque séance, je me dis que le plaisir n’est pas partagé également.
Cette question n’est toujours pas résolue.

Les débriefings sont très longs et compliqués car les mots pour décrire les sensations ne viennent pas tous seuls (d’où le temps mis à écrire cet article en plus du covid), j’ai du mal à verbaliser et à m’exprimer de manière générale.

Pour le moment Y. est présent à chaque fois et son rôle est de dire stop s’il pense que c’est trop et que je ne suis pas en état de le dire. Mais la confiance est là.
On envisage alors de ne se voir que tous les deux pour quelques séances de cordes de manière plus régulière, puisque, jusqu’à présent, c’est au petit bonheur la chance. Nous en discutons tous les 4 (Nous deux et Kael avec sa femme Thalye) puis Kael-kinbaku établit un « contrat » avec moi.
Mais notre 1ère séance est annulée à cause d’une contrainte professionnelle et le covid arrive….

Pause

Année covid : plus de sorties ni rien, je perds pieds dans mon libertinage et avec les cordes.

Réouverture à la vie : mes envies reviennent doucement (vive les femmes !).
Kael-kinbaku me propose une séance, je ne sais plus trop, puis non, puis oui et on se décide pour une séance un mercredi apm.
La grande salle du bas des jardins de bao est fermée donc, on se replie dans lun coin câlin ouvert avec des points d’attache, le plafond et bas et donc les suspensions éventuelles sont basses, peu de personnes peuvent regarder en même temps, ça me convient tout à fait pour cette reprise.
Séance au top, je retrouve toutes ces sensations merveilleuses.
Au début j’avais un peu de mal à accepter les actions kinkys car je ne voulais pas reconnaître que ça me plaisait.
Avec les échanges qui me rassurent, j’assume un peu plus des actions de plus en plus kinky.

Nous les inviterons pour une séance à la maison, kinbaku bien kinky limite bdsm (chacun à son curseur). Thalye et Y. se câlinent en même temps que Thalye assiste Kael-kinbaku et que Y. guette un « Stop »
Lors de cette séance il m’a bâillonné.
Je pensais ne plus vouloir de bâillon mais en fait j’adore. J’ai toujours peur de ne plus arriver à parler mais en fait si.
Cette ambivalence est très attirante.

Kael-kinbaku est toujours là pour me rassurer et répondre à mes questions :
Est ce que c’est normal que je ressente ça ? Que ça produise cet effet là ?
Moi et mes limites absolues/relatives que je découvre et que j’autorise.
Comment faire avec un bâillon, «overdose» etc…

Pourquoi ça se passe bien ?

J’ai confiance (grâce à toutes ses prévenances et nos discussions)

Ce que ça fait dans ma tête : les « bulles »

Il y a la grande bulle de Kael-kinbaku qui comprend Kael-kinbaku et moi qui suis dans ma propre petite bulle.
Au cours d’une séance, quand je suis dans ma bulle, c’est que Kael-kinbaku place ses cordes.
Quand je couine/soupire parce que ça tire, ma bulle se fond un peu dans celle de Kael-kinbaku le temps que je me trouve une autre position.
C’est quand je suis dans la bulle de Kael-kinbaku qu’on interagit.
Je suis seule au monde ou avec Kael-kinbaku mais (presque) personne d’autre n’existe , ce qui me permet de supporter les actions kinky de Kael-kinbaku en public.
Parfois, je reconnais une voix ou entends un commentaire et c’est comme si cette personne venait appuyer sur ma bulle en faisant « boing-boing »

Ce que j’aime dans le shibari (avec Kael-kinbaku, pas essayé d’autres riggers) ?

– la contrainte, j’adore quand c’est bien serré
– la suspension qui ,au moment où elle se fait, est une extra-contrainte
– le shoot post-séance et le moment « récupération/câlin »
– les traces qui durent parfois une semaine
– les idées perverses de Kael-kinbaku
– l’impression qu’il sait ce que j’aime mais que je n’avouerai pas !

Ce que j’oublie quand je suis dans les cordes ?

– le fait que je me trouve moche
– que j’ai ma cellulite qui doit déborder des cordes
– que je suis exposée (à d’autres)
– les autres (et leur commentaire)

Ce que je n’oublie pas

– tester la pince c’est à dire confirmer à l’encordeur que j’ai la pleine capacité à sérrer les doigts. Ceci afin de détecter et éviter tout atteinte nerveuse.
– mon mot d’arrêt (stop ou mh mh mh avec bâillon)

Ce qui a changé/évolué

– j’assume que c’est moi dans les cordes (j’aurais été prête à jurer que c’était pas moi aux 3 premières séances)
– l’évolution vers le bdsm. Le shibari est une belle entrée en matière.
– le côté kinky que donne Kael-kinbaku aux séances de cordes
– Je suis un peu perdue dans ce que je pensais aimer/accepter donc je ne dis plus non à de nouvelles expériences (j’ai toujours mon mot d’arrêt)
– j’ai appris à respirer pour canaliser la douleur, ça marche aussi pour se baigner dans l’eau glacée des torrents de nos montagnes!
– j’aimerais servir de modèle pour que Kael-kinbaku s’entraîne

Est ce que le shibari fait mal ?

C’est LA question que tout le monde se pose !

Ce n’est pas vraiment une question de douleur, c’est une question de contraintes et d’endorphines.
Plus la contrainte est grande, plus on sécrète d’endorphine ce qui permet largement de supporter. Et si jamais il y a une douleur, c’est qu’il est temps de mettre fin à la séance ou qu’il y a un problème.
La douleur (si on peut appeler ça comme ça) devient plaisir, voir excitation, alors que je ne la recherche pas.

Qu’est-ce que je ressens ? Est-ce que je (re)cherche quelque chose ?

Dans mes essais dans diverses situations, j’ai testé des trucs et il s’avère (même si je n’ai pas envie de le reconnaître) que certains trucs m’excitent : la contrainte, les jeux d’impacts (fouet, badine) et le fait d’être un jouet, une poupée, entre ses filets.
Dans les cordes de Kael-kinbaku, je retrouve ces 3 choses à des degré différents (que ce soit mon cerveau qui travaille et/ou Kael-kinbakyu qui arrive à donner cette intention).
A la fin, dans le dénouement, je me sens libérée et merveilleusement bien, apaisée et excitée (ça semble contradictoire mais non)

Une fois interdire de tout mouvement, peut on maîtriser la situation ?

Je confirme que dans les cordes, le jugement est altéré, on est dans un état second, c’est difficile de revenir à la réalité. Je n’y reviens que partiellement quand Kael-kinbaku me change de position ou qu’il me tease.
D’où la nécessité d’être claire et franche quant aux limites à ne pas dépasser dans une séance de shibari.

L’attirance physique et le sexe dans le shibari ?

J’ai aimé sa façon d’être, de faire et de me  » triporter le cerveau ». Donc l’attirance est là. Pas sûre que j’ai envie de me faire encorder par quelqu’un avec qui il n’y a pas feeling car pour moi, il doit y avoir une composante sexuelle et donc une attirance physique.
Ceci est propre à chacun.


Kael-kinbaku – L’encordeur

Presque 3 ans que je les croise, regardant discrètement capturer les corps qui me sont offerts.
J’aime croire qu’ils n’ont pas manqué une seule séance. Toujours présents, au milieu des curieux, je les aperçois au hasard des rares moments où je ne suis pas connecté avec ma partenaire. Souvent absents, alors que je les cherche du regard, dès la séance terminée, tandis que j’apaise ma partenaire ou que je plie mes cordes.

Observation

Une fois seulement, par défi, pour le jeu et avec le secret espoir d’initier un premier contact, j’ai invité madame à interagir avec ma partenaire. En silence, d’un signe de la main, elle a poliment refusé : par timidité, par peur ?
Elle me plaît vraiment, là où certains voudraient bien la croquer, je désire surtout la faire vibrer dans mes cordes. Mais voilà, ils ont tous les deux ce petit quelque chose qui m’impressionne, qui les rends inaccessibles.
Cette fois encore ils sont là, seuls à discuter, assis à une table. Un bonjour chaleureux de ma part, une réponse souriante de la leur, et quelques mots échangés, rien de plus. Je me demande bien ce que j’espérais, peut-être ne sont-ils que voyeurs ou effrayés.


Il est vrai aussi que cette fois ci, je suis accompagné de Thalye, ma compagne et principale partenaire. Avec le temps notre pratique du shibari a évolué et s’est enrichie. Elle est plus aérienne, plus dure aussi. La sensualité apparente de nos débuts s’efface souvent, derrière les gémissements et couinements quand les cordes deviennent plus contraignantes et parfois plus douloureuses. Enfin, elles sont moins « sexuelles » qu’à nos débuts. Nous avons rapidement été lassés de cette ambiance particulière aux établissements mixtes libertins où quelques messieurs, pensant nous démontrer leur intérêt pour Thalye encordée et offerte, ne manquent pas d’astiquer leur virilité en se tordant le cou dans l’espoir d’apercevoir son sexe exhibé.
Après tout, ils ont peut-être peur ou ne recherche que du sexe eux aussi … .

L’approche

Fin de séance, Thalye encore étourdie m’accompagne au bar. Son esprit n’est pas encore reconnecté, absente, sur son nuage, le corps débordant d’endorphine. Quelques personnes présentes viennent s’inquiéter de son état et des marques qui zèbrent son corps. Je sais bien que dans ces moments-là elle préfère ne pas parler. Je renseigne, rassure, explique et on me félicite, alors que je ne fais que transmettre intentions et sensations avec mes cordes. C’est bien Thalye qu’ils devraient féliciter pour sa confiance, son lâcher-prise et sa beauté dans mes cordes.
C’est ce moment précis qu’ils choisissent pour s’approcher d’elle. Ont-ils saisi, ce que nous venons de faire, ce qu’elle m’a offert lors de cette séance ?


Tout en douceur, elle caresse son bras, sans un mot, comme hypnotisée par ses marques. Alors que nous échangeons sur cette pratique, j’ose, tant pis si c’est un refus, au moins je serai fixé :
« et toi A, quand est-ce que je te capture dans mes cordes. ? ».
Le regard de son compagnon s’éclaircit et il aborde un large sourire. Mais mes espoirs sont vites anéantis alors que son regard fuit le mien elle me répond :
« nous avons déjà essayé pour des photos … je n’aime que les marques qu’elles laissent sur la peau … ».
Douche froide ! piqué au vif je lui rétorque, avec un large sourire et sur un ton ironique, avant de tourner les talons et rejoindre Thalye  :
« pour avoir les marques il faut des cordes … et les serrer fort ! ».

L’attente

Bien des semaines plus tard, après de long échanges sur un réseau social libertin puis par SMS, enfin A. & Y. nous donnent rendez-vous pour une séance d’initiation au Jardin de Bao. Comme souvent, lors de ces moments, je sais que Thalye va se contenter de regarder, accompagnée de Y. elle lui expliquera ce qui se passe tout au long de la séance. J’ai toujours le sentiment de la laisser de côté, la crainte qu’elle s’ennuie mais sa présence rassure souvent mes partenaires.
La glace s’est brisée entre nous, la timidité d’A. est toujours présente mais finalement, bien que nous nous connaissions peu, un début de confiance s’est établi au fils de nos conversations. Y. reste bienveillant vis-à-vis de sa douce, le savoir présent lors de la séance me rassure.
Nous nous retrouvons autour d’un verre et débutons une conversation banale comme si aucun d’entre nous n’osait évoquer la raison précise de notre présence ce soir. J’aime ses moments qui flirtent avec le malaise. Le début de la séance de shibari vient de commencer mais ça, ils ne le savent pas. Sans toucher A. et sans exclure Y. ni Thalye de la conversation, je prends petit à petit possession de ma partenaire. Je la jauge, j’observe ses réactions, ses sourires, ses rires, ses gênes. Le jeu débute, avant même de poser une première corde. Comme pour marquer une rupture, bien que nous en ayons discuté auparavant, je lance les négociations sur le déroulement de la séance : le consentement, les limites de chacun, les règles de sécurité, les problèmes médicaux et anatomiques éventuels. Je sensibilise A. afin qu’elle puisse reconnaître une éventuelle compression sanguine ou nerveuse. Je l’informe également qu’il n’est pas dans mes habitudes de partir sur une suspension lors d’une première séance. Enfin je demande à A. son mot de sécurité, ce sera « stop ».

J’apprendrai plus tard que j’ai oublié un point important lors de cette négociation.

Première séance

Je descends installer l’aire de jeu au sous-sol et invite A. à me rejoindre quand elle se sentira prête.
A., Y. et Thalye arrivent suivis par une petite troupe de curieux. Assis en tailleur je lui demande de nouer son paréo autour de sa poitrine, et l’invite à venir s’agenouiller dos à moi. Mes mains se posent sur ses épaules, la tension dans son corps est perceptible, sa tête balaie l’ensemble de la salle : les curieux se répartissent en silence autour du tapis. Je ne suis pas inquiet, un jeter de corde un peu ferme lors de la séance devrait faire fuir les rares téméraires qui voudraient s’approcher de notre bulle d’intimité. Elle accepte avec un soupir de soulagement que je lui bande les yeux oubliant rapidement ceux posés sur elle.
Mes bras prennent le contrôle d’A. Je la manipule d’avant en arrière et de gauche à droite. Sa résistance cède petit à petit. Une main sur son ventre, l’autre sur sa poitrine, je me cale sur sa respiration. Elle semble sereine, respire plus calmement et l’ensemble de son corps accompagne mes mouvements.

Je pose une corde et l’enroule au gré de nos mouvements. Une seule suffit, pour se découvrir, se sentir et commencer notre chemin. A. se laisse aller et m’accompagne dans cette danse au sol. Je reste fasciné par la rapidité avec laquelle elle me confie les commandes. Elle semble déjà si proche du lâcher prise ! C’est trop tôt, je la stimule pour qu’elle se reconnecte à moi et poursuit par un « strappado » . A genoux, la tête posée au sol et les bras attachés dans le dos elle soupire. Ses fesses tendues sont encore protégées par le fin tissu du paréo. Je l’écarte un peu, A. frémit, se tortille et essaie de relever son torse, en vain. Nous y sommes, la contrainte bien que légère lui fait comprendre qu’elle est impuissante, offerte, sous mon contrôle.

shibari
Image d’illustration : Strappado

Je recouvre ses fesses, les voyeurs en ont assez vu, et passe une corde autour de sa taille et termine de la nouer en passant entre ses cuisses. Le tissu est trop fin pour faire la différence : elle pénètre son sexe. Chaque mouvement de sa part stimule son intimité. Ses soupirs témoignent-ils de sensations agréables, piquantes, douloureuses ? Elle seule le sait. Il lui suffit pourtant de ne pas bouger pour y mettre fin.

il est temps de stopper ce jeu, je détache ma belle, la replace à genoux face à moi et lui demande si elle souhaite continuer. Son sourire et l’acquiescement qui s’ensuit ne me laisse aucun doute.

Plus loin, plus haut

Poignets attachés, bras repliés sur son torse, de nouvelles cordes courent sur son cou, ses épaules, son dos. Elle se laisse aller et lâche prise à mesure que je construis un cocon rassurant et confortable. Son corps semble céder dans les cordes, sa respiration apaisée jusque-là s’accélère quand je relie le « fisherman » à l’anneau de suspension afin d’amener une tension suffisante lui permettant de maintenir la position assise. Un « futomomo » sur la cuisse, lui aussi relié à l’anneau et me voilà prêt à réaliser ce que d’habitude je me refuse lors d’une première séance. La dernière ligne mise en tension je lève sa cuisse. Son torse bascule doucement vers l’arrière alors que sa cuisse s’élève à quelques centimètres du sol. Avec une seule jambe en contact avec le sol, A. s’exprime davantage, de manière imperceptible des soupirs ponctuent mes caresses, mes griffures, mes chuchotements à l’oreille. Le souffle court, la tête en extension, le cou offert, elle est partie loin, seule la tension des quelques cordes sur sa cuisse la relie encore à moi et l’empêche de sombrer. Je redouble d’attention et contôle plus régulièrement le placement des cordes, la sensibilité de sa peau, la motricité de ses mains. Une dernière corde sur sa cheville posée au sol et la suspension est complète. Je me recule pour observer A. dans son cocon, aucune grimace, paisible, sa respiration superficielle et régulière semble resserrer les cordes petit à petit autour de son torse.

shibari
Image d’illustration : futomomo
shibari
image d’illustration : fisherman

Redescente

Je profite de ce moment figé pour observer la salle. Thalye et Y. sont toujours là à nous observer. Y. un sourire sur le visage me confirme que tout va bien quand je l’interroge du regard. Les curieux sont bien moins nombreux, probablement lassés par le temps que nécessite une telle séance. À moins qu’il aient compris que A. ne leur sera pas offerte.
Il est temps de me reconnecter à ma partenaire, elle a été mienne suffisamment longtemps. Je dois la rendre à la réalité et à son compagnon.
Je la dépose au sol progressivement puis commence le long processus de détache. Centimètres après centimètre je fais glisser les cordes sur son corps. Comme pour prolonger indéfiniment mon emprise,  je prends mon temps. Appuyée contre mon torse je défait son cocon, pour mieux la reprendre une nouvelle fois avec une corde. Je ne veux pas qu’elle sache quand la séance s’arrêtera, qu’elle ne sache pas que la dernière corde est partie et qu’elle est libre.
Je la dépose avec précaution sur le sol, recroquevillée et la couvre d’une serviette. Elle est calme, immobile, comme endormie.
Je demande à Y. s’il souhaite venir apaiser sa belle. Il me fait comprendre qu’il me laisse cet honneur.


A mon grand regret, lors des négociations, nous n’avions pas évoqué l’ « aftercare ». Ne sachant pas si A. souhaitait me sentir proche et réconfortant, je me suis contenté d’un baiser sur le front, d’un merci susurré à l’oreille et de mains protectrices posées sur son épaule et sa hanche …dans le silence … jusqu’à ce qu’elle émerge tout doucement et se reconnecte au présent. Nous avons joué un peu plus d’une heure, la sueur perle encore sur mon front. Comme toujours je navigue entre apaisement, bonheur et fierté. Je suis fatigué et j’ai l’impression que la séance n’a duré que quelques minutes. 


Il est temps pour nous de nous hydrater, nous remontons au bar. A. fend la foule, encore absente, semblant éviter du regard les clients présents. Nous finirons cette soirée en discutant longuement de cette séance et j’aime croire qu’elle est fière des marques qu’elle exhibe, paréo à la taille.
Mille mercis A. et Y. pour votre confiance. 

Kael-Kinbaku